Un peu de musique pour l'été (partie 2)

CLASSIQUE

Sait-on jamais, si le climat de cet été persistait à battre les records de pluviosité, à moins que des après-midis caniculaires nous obligent à nous mettre à l’abri pendant les heures les plus chaudes, voici un choix de médias qui vous permettront d’oublier un peu les aléas de la météo et surtout de découvrir quelques précieux trésors…

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Parmi les nouveautés en musique classique, je vous recommande les CD suivants:

Sofia GUBAIDULINA « In Tempus Praesens » (concerto pour violon); « Glorious Percussion »

FG9074 (Disponible au Discobus 4)

Sofia Gubaidulina est sans doute la grande dame de la musique en Russie et, s’il est une musique contemporaine éloignée des modes et de de la cérébralité, c’est bien celle de cette compositrice.

Les œuvres de cet enregistrement datent de 2007 et 2008.

Selon ses propres termes, « Que je sois moderne ou non m’est égal. La vérité intérieure de ma musique est ce qui m’importe ». Sa musique montre une expressivité foisonnante et une préoccupation constante pour l’être humain en quête de spiritualité. Il ne s’agit pas d’une spiritualité éthérée et paisible mais d’un approfondissement du monde dans toute sa complexité, comme dans cette œuvre magique In Tempus Praesens pour violon et orchestre où les nombres 3 et 1 jouent un rôle essentiel. « Mais ce ‘un’ porte un monde infini et multidimensionnel en lui-même et, par conséquent un nombre infini de caractéristiques » dit la compositrice.

L’autre composition de cet enregistrement Glorious Percussion nous montre un autre aspect de la personnalité de Gubaidulina : il s’agit de son intérêt, de sa curiosité insatiable pour les instruments de toutes sortes et notamment pour les instruments à percussion. Elle nous donne à entendre une variété extraordinaire de sonorités.

Très belle prestation de l’orchestre de Lucerne dirigé par Jonathan Nott, qui a notamment dirigé l’ Ensemble Intercontemporain (de 2000 à 2003), de l’ensemble Glorious Percussion, qui a donc pris le nom de l’œuvre qui les a réunis pour la première fois, et du violoniste israélien Vadim Gluzman. PD

(Disponibilité de ce CD)

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Alessandro STRIGGIO (1536-1592): « Messe à 40 et 60 Voix »

AS7502 (Disponible au Discobus 4)

Cette musique somptueuse a été conçue pour les fastes de la cour des Médicis à Florence à la fin du XVème siècle. Elle est à l’origine de ce que l’on a coutume d’appeler le style du baroque monumental qui s’est épanoui dans la première moitié du XVIIème siècle, à l’image des grandes architectures de l’époque.

Des œuvres aux proportions hors du commun écrites pour de multiples chœurs dont les pupitres étaient eux-mêmes divisés, et avec accompagnement d’instruments (à vent, notamment).

Hervé Niquet (Le Concert spirituel) a réussi cet exploit de réunir cinq chœurs de huit chanteurs, plus vingt chanteurs additionnels (pour totaliser soixante voix dans l’Agnus Dei) avec un accompagnement de quatorze instrumentistes. Le résultat est impressionnant. PD

(Disponibilité de ce CD)

Georg Philipp TELEMANN "Esprits Animaux"

Ambronay Editions, 2011

CLASSIQUE   BAROQUE

BT3527 (Disponible au Discobus 4)

La collection Jeunes Ensembles d’Ambronay est issue d’un projet destiné à aider les musiciens dans leurs débuts de carrière professionnelle. L’Académie Baroque Européenne réunit depuis 2009 des musiciens prometteurs en ce haut lieu culturel de France et favorise au cours de ces rencontres la formation d’ensembles de qualité.

« Les Esprits Animaux » J’ai cru tout d’abord qu’il s’agissait du titre de l’album. Eh bien non, c’est le nom à première vue bizarre d’un ensemble qui s’est formé au gré de l’heureux hasard des rencontres. Les musiciens s’en expliquent dans la notice accompagnant le CD.

Ce jeune ensemble nous démontre que l’enthousiasme et le talent peuvent très rapidement engendrer de belles surprises. Dans ce cas précis nous n’avons pas seulement affaire à de bons musiciens mais aussi à un album qui propose un programme original d’œuvres de Telemann. Plusieurs d’entre elles ont été choisies en fonction de leur référence littéraire.

Par exemple, l’ouverture Don Quixotte transpose dans un langage purement instrumental, l’univers de Don Quichotte. C’est un portrait plein d’humour qui évoque les sentiments extrêmes du personnage et les péripéties de son voyage et cela au moyen du discours caractéristique de la musique baroque avec ses mouvements harmoniques surprenants, son contrepoint,ses accents, son ornementation, ses contrastes… tous ces éléments que l’interprétation de la musique baroque a si bien remis à l’honneur depuis plus d’un demi siècle et qui nous transportent d’une émotion à une autre.

Ce jeune ensemble mérite vraiment notre attention ainsi bien sûr que les œuvres de Telemann qui, soit dit en passant, vécut vingt ans de plus que Bach son contemporain et mourut donc peu avant la naissance de Beethoven. Cela explique son immense production et le lien important qu’il représente entre le ‘Baroque’ et le ‘Classique’. PD

(Disponibilité de ce CD)

J.S. BACH "Sonates et partitas BWV 1001 – 1006" – Amandine BEYER

Zig-Zag Territoires, 2011

CLASSIQUE   BAROQUE

BB1346 (Disponible au Discobus 4)

Violon, Direction : Amandine BEYER

Très nombreux sont les enregistrements de ce sublime chef-d’œuvre dédié à l’instrument aux quatre cordes; citons parmi les « anciens »: Menuhin, Grumiaux, Milstein, Heiffetz, Szeryng puis plus récemment Kremer, Tetzlaff, Papavrami sur instrument moderne; Huggett, Mullova (2ème version), Kuijken sur instrument baroque.

Disons d’emblée que cette nouvelle version d’Amandine Beyer sur instrument baroque est une merveille, une splendide réussite! Amandine Beyer, née en 1974 à Aix-en-provence, a commencé la musique avec la flûte à bec . Elle étudie le violon à Aix et à Paris puis, plus particulièrement le violon baroque avec Chiara Banchini à Bâle. Elle joue régulièrement depuis 1998 dans « l’ensemble 415 » de son professeur. Elle participe activement à d’autres excellents ensembles baroques comme par exemple l’  « Assemblée des Honnestes Curieux » ou la « Capella Reial de Catalunya » dirigée par Jordi Savall. Depuis 2000, elle donne des concerts en tant que soliste avec des ensembles comme « Café Zimmerman » ou accompagnée entre autres par Pierre Hantai claveciniste de renom. En 2001, elle obtient le premier prix du concours de violon baroque de Turin. Elle mène aussi une vie active en tant que professeur puisqu’elle a succédé à Chiara Banchini à la Schola Cantorum de Bâle.

Le premier qualificatif qui me vient à l’esprit à l’écoute de cet enregistrement est: limpide. Rien de forcé dans ce jeu qui fait oublier que cette œuvre représente un véritable défi sur le plan technique et musical, une performance d’équilibriste entre la mélodie et l’harmonie forcément incomplète mais bien présente et, cela, sur les quatre cordes d’un violon. Comme le dit l’interprète dans la notice de l’album, il s’agit pour le violoniste d’« aborder un répertoire qui semble avoir été conçu pour un grand orgue d’église, avec ses spectaculaires fugues à quatre voix et ses harmonies plantureuses ».

Écoutez, par exemple, dans la fugue de la sonate BWV 1005 (plage 2 du 2e CD), comment le thème s’épanouit avec ses différentes voix dans une harmonie complexe. C’est que le violon d’Amandine Beyer chante merveilleusement. C’est la seconde qualité essentielle de cet enregistrement. Chanter est ici particulièrement difficile puisqu’il faut sans cesse trouver un compromis entre mélodie et harmonie. Et quelle fluidité toujours, dans les mouvements rapides dans lesquels la mélodie est enfin libre de s’envoler ! Aucune lassitude ne vient menacer l’auditeur tant le jeu est vivant et nuancé. Bouleversant!

Bach écrivait en titre de cette série de compositions « Sei solo …» (tu es seul); il s’adressait bien sûr aux violonistes qui seraient confrontés aux difficultés d’interprétation de cette musique mais peut-être au delà, à tout être humain en quête d’une harmonie toujours fragile. Ecoutez la fameuse chaconne de la partita BWV 1004 (fin du cd 1) Amandine Beyer la joue sans ostentation avec ce qu’il faut d’expression. Elle pourrait avoir été écrite par Bach sous le coup de la perte de sa première épouse Maria Barbara en 1720. Cette pièce, jouée souvent isolément et que Busoni (1866-1924) a transcrite magistralement au piano, est partagée entre recueillement, agitation douloureuse et espérance nourrie par sa foi en Dieu.

Quant à J.G. Pisendel, le violoniste le plus célèbre de l’époque et dont Amandine Beyer nous livre une belle sonate en complément de programme, il pourrait être le dédicataire du recueil de Bach. PD

(Disponibilité de ce CD)